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Comment élever des veaux en pleine forme

Des veaux en bonne santé garantissent du bétail productif et doté d’une meilleure longévité. Visite d’une exploitation jurassienne où un programme sanitaire novateur a permis de régler des problèmes récurrents.

Comment élever des veaux en pleine forme

Diarrhées, infections pulmonaires, otites, etc.: quel producteur laitier peut se targuer de n’avoir jamais eu de veaux malades? Tout au long de la saison froide, la période des vêlages est synonyme de problèmes sanitaires à l’étable, de «couacs» entraînant du stress, une surcharge de travail et parfois un surcoût financier en raison des visites du vétérinaire.

Période à risque
«Quand les veaux vont mal, tout va mal», résument en chœur Dominique et Sabine Paupe, un couple d’agriculteurs d’Epiquerez (JU) chez qui naissent chaque année une petite cinquantaine de veaux. Dans leur écurie, quelque temps avant la mise à l’herbe, les places sont comptées, les mises bas se succédant à un rythme soutenu en ce début de printemps. «Notre lait est destiné à être transformé en tête de moine AOP, on cherche donc un pic de production laitière pendant l’été.» Et dans l’étable, malgré la densité élevée d’animaux, pas de toux, ni d’odeur caractéristique des diarrhées. Les veaux, le poil brillant, sont en pleine forme.

«On revient de loin, confie Dominique Paupe. Jusqu’à l’an dernier, nous nous sommes battus contre une cryptosporidiose (ndlr:des parasites des muqueuses intestinales) récurrente sur notre jeune bétail. Nos veaux souffraient de déshydratation, d’une perte d’appétit et affichaient un retard de croissance. Chaque année, nous perdions des animaux et nous redoutions toujours un peu plus cette période qui nous procurait plus d’angoisse que de réjouissance.»

L’expérience relatée par la famille Paupe est représentative de bien des situations en Romandie. «Les veaux sont un problème récurrent en médecine vétérinaire, reconnaît Lara Moser, vétérinaire à Courgenay (JU), qui dispense également ses conseils dans l’équipe du Service sanitaire des veaux (voir encadré). Ce sont de jeunes animaux fragiles, qui doivent s’adapter à un environnement chargé en germes.»

Depuis un an, les Paupe suivent un programme sanitaire novateur, qui consiste à rendre le veau le plus tonique possible avant son départ pour l’engrais, à l’âge d’environ 3 semaines. Tout commence au moment du tarissement des futures mères. «La bonne santé d’un veau débute bien avant sa naissance», assène Dominique Paupe, désormais attentif à l’équilibre en énergie et oligoéléments des vaches en fin de lactation.

Colostrum et anticorps
Vient ensuite la naissance du veau. «L’apport de colostrum au nouveau-né est une évidence, mais encore faut-il le faire rapidement», précise Lara Moser. Car le transfert d’immunité du colostrum au veau n’est efficace que pendant les toutes premières heures de vie; ensuite, la paroi intestinale perd sa perméabilité et les anticorps du lait ne passent plus dans le sang. «On l’oublie souvent, mais le nouveau-né n’a pas d’immunité passive, le placenta du bovin étant imperméable! Le colostrum contenant les anticorps maternels est donc indispensable pour aider le veau à se défendre contre les agressions extérieures.»

Et comme tous les colostrums ne se valent pas, un contrôle de densité et du taux d’immunoglobuline à l’aide d’un simple réfractomètre s’impose. «Si la qualité est insuffisante, on peut donner le colostrum d’une autre mère, qu’on aura préalablement congelé.»

Enfin, et c’est l’une des clés du système, les veaux doivent disposer de lait à volonté. «Élevés sous la mère, ils sont plus rarement malades, en partie parce qu’ils peuvent téter quand et combien bon leur semble, explique Lara Moser. Lorsque les repas sont trop espacés, les veaux risquent l’hypoglycémie, qui entraîne une baisse du système immunitaire.» Ainsi, les veaux, allaités d’abord par deux puis par boxes de 5 à 8 (en fonction de la taille) ont en permanence un milk-bar équipé d’une tétine suffisamment dure. «Il n’est pas rare de voir nos veaux d’une semaine avaler onze litres par jour», confie Sabine Paupe. Ses protégés disposent également d’un bloc de minéraux à lécher, de foin et d’eau. «Plus vite la rumination est en route, plus stable sera leur système digestif, gage de résistance face aux germes», relève la vétérinaire, qui souligne qu’un veau possédant un volume de buvée important sera plus productif et affichera nettement moins de carences.

Un investissement rentable
Finalement, les Paupe consacrent désormais une quantité non négligeable de lait à l’alimentation de leurs veaux — en moyenne 650 litres par animal. «Nous ne considérons pas ce lait comme perdu. C’est au contraire une forme d’investissement», affirment les deux exploitants, qui apprécient de voir les petits bovins en meilleure forme générale, plus dynamiques et plus autonomes. «Ce changement de pratique influe positivement sur notre moral… car quand les veaux vont bien, tout va bien.»

Texte(s): Claire Muller
Photo(s): Claire Muller

Un site pour la santé des veaux

En Suisse, l’immense majorité des veaux à l’engrais reçoivent au moins une fois dans leur vie un traitement antibiotique. Forts de ce constat, engraisseurs et vétérinaires se sont regroupés en 2015 en une plateforme nationale dédiée au jeune bétail. Sur son site web, l’association met notamment une ligne de nombreuses informations pratiques pour améliorer la santé des veaux et diminuer l’usage d’antibiotiques. Une hotline est en outre à la disposition des professionnels membres de la plateforme.

+ D’infos www.kgs-ssv.ch

Tunnels et copeaux à disposition

À Matran (FR), Jérémie et Michel Guex pratiquent la pâture intégrale et les vêlages groupés depuis une vingtaine d’années avec leur troupeau laitier de 120 jersiaises. Entre février et avril, ils comptent une centaine de vêlages, dont 80 en six semaines. «Nous avons testé différents systèmes de détention: igloos, boxes, etc. Mais sans venir à bout des problèmes sanitaires — diarrhées, pneumonies et autres — et au prix d’heures de travail, un paillage régulier étant nécessaire pour maintenir les veaux en santé.» Il y a quelques mois, s’inspirant de son collègue d’Ins (BE) Joss Pitt, Michel Guex a mis en place un tunnel maraîcher mobile à l’entrée d’une de ses prairies et étalé 100m3 de copeaux sur 240 m2. Six boxes équipés de milk-bars sont délimités à l’aide de simples barrières. «La santé du jeune bétail s’est bien améliorée, constate l’éleveur. Les copeaux séchant extrêmement rapidement, l’air ambiant est nettement plus sain. Quant à notre charge de travail, elle a fondu comme neige au soleil!» L’investissement total n’a pas dépassé les 15 000 francs. «C’est tout à fait supportable pour un bâtiment qui perd son utilité sitôt la mise à l’herbe du jeune bétail, dès la mi-mai.»